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Interview

Alerte rouge sur un vendredi noir : stop à la fast fashion

Interview de Denis Clérin, chargé de mobilisation d'achACT et Louise Vanhèse, responsable thématique de Citoyenneté et Participation

Publié le 26 septembre 2025

Chaque année, à la fin novembre, la même ritournelle. Soldes fracassantes, files devant les enseignes, achats précipités. Le Black Friday s’impose comme un rituel contemporain, parfaitement huilé. En Belgique, les consommateurs dépensent plusieurs centaines de millions d’euros lors de ce seul week-end, témoignant de l’ampleur prise par cette fête commerciale importée des États-Unis.

Manifestation de achACT

© Kristof Vadino
Les vraies victimes de la fast fashion

Derrière l’excitation des prix cassés des vêtements, se cache une réalité plus sombre : celle d’une industrie mondialisée fondée sur l’exploitation des travailleurs et travailleuses, le gaspillage des ressources et la surproduction. « Le marketing est agressif, mais ce qui est vraiment préoccupant, ce sont les conditions de travail des ouvriers et ouvrières, souvent invisibles », rappelle Denis Clérin, de l’asbl achACT, une association engagée dans la défense des droits des travailleurs et travailleuses du textile.

« Les sous-traitants sont payés au lance-pierre », dénonce-t-il, soulignant que cette précarité salariale s’inscrit dans un système globalement inégalitaire et exploitant. « Derrière ces salaires de misère, ce sont souvent des femmes, des couturières, qui travaillent dans des conditions difficiles, jusqu’à 12 à 18 heures par jour, pour un revenu à peine suffisant pour survivre. Ces travailleuses sont doublement vulnérables : non seulement elles subissent des conditions de travail abusives, mais elles restent invisibles aux yeux du consommateur. »

Cette réalité se superpose à une autre forme de pauvreté, celle des consommateurs européens aux budgets serrés. « Ici aussi, beaucoup se disent qu’au moins, ils peuvent s’habiller pour pas cher », explique Denis. « Ce n’est pas une question de culpabiliser les gens, mais de pointer une fracture sociale profonde. Le problème, c’est la pauvreté, des deux côtés. Ce que nous devons dénoncer, c’est un système économique qui enferme à la fois les producteurs et les consommateurs dans des logiques d’injustice et d’exploitation. Il ne s’agit pas de dire “ vous ne pouvez pas acheter ”, mais plutôt “quelque chose ne fonctionne pas”. »

Conséquences écologiques et sociales

Derrière les rayons bondés de vêtements soldés, la fast fashion s’appuie sur des chaînes de sous-traitance complexes, souvent éloignées des pays consommateurs. Ces usines, majoritairement situées en Asie ou en Afrique, imposent à leurs ouvriers et ouvrières des journées souvent interminables, avec peu ou pas de protections sociales. La pression sur la production conduit à une baisse drastique de la qualité des vêtements, qui deviennent rapidement obsolètes ou usés. Conséquence directe : une surproduction massive et un gaspillage colossal.

Des tonnes de textiles usagés finissent ainsi dans des décharges, ou sont exportées vers des pays en développement, où elles polluent sols, rivières et nappes phréatiques, accentuant les problèmes environnementaux et sanitaires. Cette externalisation de la pollution révèle l’autre visage sombre de la fast fashion, où les coûts humains et écologiques sont systématiquement reportés hors de vue des consommateurs occidentaux.

Mais la responsabilité ne se limite pas à la fabrication. Sur le terrain, Louise Vanhèse, animatrice à l’asbl Citoyenneté et Participation, souligne que le « matraquage publicitaire » via les réseaux sociaux et les algorithmes numériques ciblent particulièrement les personnes précarisées. Ces dernières se retrouvent incitées à acheter des produits souvent jetables, faute d’alternatives accessibles. « Ce n’est pas un problème individuel, c’est le système qui les enferme », insiste-t-elle.

Agir autrement à Namur : une invitation à (se) réinventer

Face à ce constat, une dizaine d’associations namuroises ont décidé d’agir autrement. Le 22 novembre, le Centre culturel de Namur se transformera en espace d’alternatives, de réflexion et d’expérimentation, sous le mot d’ordre « Et si on faisait les choses autrement ? ». Une journée pour prendre du recul, réparer, détourner, comprendre, et surtout : faire ensemble. « Ce n’est pas une dénonciation sèche, mais un espace vivant où l’on expérimente, avec nos mains, nos têtes, nos imaginaires », explique un des organisateurs.

Au programme : expositions, ateliers de réparation, donnerie, ou encore une scène slam pour des performances poétiques engagées. Le spectacle Fast, de l’Inti Théâtre, interrogera avec humour notre frénésie consumériste et ses conséquences.

À Namur, cette journée symbolique invite chacun et chacune à repenser sa place : non plus simple consommateur, mais acteur conscient, capable de choisir un autre rapport aux objets, au temps, au collectif, pour rêver un autre rapport au monde.


Rédaction : Mélanie Linkens / CCN

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