Elle s’appelle Adriana Martinez, mais sur la scène du break, tout le monde la connaît sous le nom de Campanita. Un surnom donné en clin d’oeil — un peu moqueur au départ — à la Fée Clochette. Aujourd’hui, ce nom est devenu une signature, celle d’une artiste qui incarne la résilience en mouvement. Durant le Break Machine Festival, elle présentera Anonyme, un solo intime et percutant, à l’image de son histoire : un parcours fait d’exil, de luttes et de reconstruction, où la danse a toujours été sa boussole.
Née au Venezuela dans un quartier populaire de Caracas, Adriana grandit dans une famille absente et une société où les voix féminines ont peu d’écho. À 15 ans, elle découvre le break. C’est le coup de foudre immédiat : « Le break, c’est un espace de liberté pure, une énergie brute qui m’a très vite offert un refuge », confie-t-elle.
À 18 ans, sa vie bascule. Alors que la situation politique du Venezuela se dégrade, elle est contrainte de fuir et se réfugie en Colombie. « Le break m’a sauvée deux fois : la première, pour ne pas sombrer. La seconde, pour continuer à avancer. » Dans les rues de Cúcuta, en Colombie, elle s’entraîne sans relâche. C’est là qu’elle croise un inconnu, devenu frère, qui l’accueille chez lui pendant un an et demi. « Le hip-hop, c’est la communauté. C’est ce qui m’a permis de rester entière, malgré les violences et l’exil. »
Par la suite, elle s’installe un temps en Argentine. Elle y gagne sa vie en faisant de la couture, tout en poursuivant les compétitions. Une victoire lui permet enfin de poser le pied en Europe. Ce nouveau départ marque une étape décisive : plus qu’un refuge, la danse devient un terrain d’affirmation. Peu à peu, elle se construit une place, forge son style, affirme sa voix.
De ce parcours, encouragée par sa collaboratrice Fabienne, Campanita en tire un solo : Anonyme. Le spectacle raconte une histoire singulière, mais aussi collective.
Ce que je traverse, d’autres le vivent aussi. Anonyme, c’est mon histoire, mais aussi celle de toutes celles et ceux qui traversent des épreuves et les transforment en force.
Avec Anonyme, armée d’une énergie intense, brute, presque électrique, Campanita transforme la douleur en mouvement. Elle revendique une danse expressive, sincère, qui raconte ce qu’elle est, d’où elle vient, et ce qu’elle veut changer. Et si le titre évoque l’effacement, c’est justement pour mieux parler de celles et ceux qu’on ne voit pas.
Championne de France de breaking en 2022 et 2023, Campanita a su imposer son nom dans un milieu encore très masculin. En 2020, elle fonde "Entre Bgirls", un espace de parole dédié aux femmes du hip-hop latino-américain, vite élargi à l’Europe. Elle y organise des rencontres, ateliers et espaces de formation pour les danseuses. « Dans le hip-hop, comme dans la société, on continue de nous voir à travers un filtre : "tu es forte… pour une fille", dénonce-t-elle. C’est insupportable. » Son combat est clair : créer des espaces sûrs, où les femmes peuvent s’exprimer pleinement, sans jugement ni pression. « Le hip-hop est une communauté. Mais pour que ça le soit vraiment, il faut que toutes et tous y aient leur place, sans compromis. »